dimanche 18 février 2007

1.Silence et tremblements.

Je vais mieux. je ne flippe plus. je ne fuis plus. je ne panique plus. je n'évite plus les gens afin de ne pas avoir à leur parler. Je ne déteste plus croiser mon reflet dans un miroir. Je ne me méprise plus. Je ne me détruis plus. Je ne hais plus la planète entière. Je n'essaie plus de me faire détester avant que les autres le fasse, afin d'exister au moins par le rejet. Je commence à vivre un peu et je peux parler à la première personne sans avoir l'impression de me donner trop d'importance...
Et si je commence ce blog c'est que j'éprouve le besoin de jeter tout ce que je cache à la meute afin de m'en débarrasser une fois pour toute, car je pleure encore un peu trop souvent sur moi-même et j'ai le sentiment que l'acceptation de mon passé et de mon comportement de misanthrope par les gens que je cotoie, que j'apprécie ou que j'aime me délivrera de ces crises de larme...si ils ne l'acceptent pas, au moins, ils sauront...
Mais j'ai longuement hésité avant de commencer la rédaction tellement personnelle de ce texte. Je ne veux pas m'apitoyer sur moi-même, je ne veux pas de compassion, je ne veux pas me retrouver face à des regards de chiens battus posés sur ma condition de victime auto-proclamée...et je ne veux pas embarrasser les gens qui croyaient me connaître et découvriront que le mépris affiché ne cachait qu'une peur insurmontable...car le diagnostique existe et il tient en deux mots:
'Phobie sociale'...j'ai découvert l'existence de ces mots voilà plus d'un an. Je me suis très rapidement reconnu mais je ne l'ai pas accepté immédiatement...il m'a fallu deux ou trois mois avant d'étudier la question un peu plus profondément et encore un peu de temps avant de contacter une thérapeute cognitiviste et comportementaliste...'phobie sociale' sont des termes bien commodes pour décrire un gros sac de noeuds névrotiques qui révèlent une attitude, une réaction de peur et d'inhibition face aux gens rencontrés, mais ça ne révèle aucune cause car elles sont différentes et à découvrir chez chaque individu...elles sont à la fois physiologiques et culturelles...hypersensibilité, cognitions...j'y reviendrai.
MA phobie sociale,comme celle de chaque phobique, est bien singulière mais elle ne fait pas partie de mon identité. Bien au contraire : elle m'empêche de me révéler tel que je suis vraiment et elle m'empêche de m'exprimer comme je le voudrais. Elle me paralyse et me sclérose au point d'en suffoquer et de ne pouvoir m'exprimer comme je le voudrais...mais c'est du passé et je n'en parle au présent que par habitude. On ne se débarrasse pas d'une habitude aussi facilement...même de la plus mauvaise. Quand elle est adoptée, la pire des souffrances devient un repère auquel on tient ...car on ne sais pas contre quoi on pourrait la troquer et ça, c'est flippant...mais je vais mieux. Je ne suis plus phobique social....mais qui suis-je? Quel sont mes désirs? Suis-je certain de pouvoir être autre-chose que ce que j'ai toujours été? Suis-je vraiment capable d'assumer cette nouvelle liberté qui se présente à moi et qui, vue d'ici, ne représente qu'un grand gouffre, qu'un grand vide à combler...?

Je me prénomme Laurent, j'aurai 33 ans le 9 mars 2007 , je n'ai jamais travaillé. J'ai végété en me cachant derrière le prétexte que je voulais être artiste et rien d'autre...mais j'ai toujours eu peur de me retrouver devant un employeur qui allait m'évaluer et j'ai peur du travail lui-même... j'ai beaucoup plus de souvenirs de ce qui aurait pu se passer que de souvenirs de choses vécues....je me souviens de filles avec qui j'aurais pu vivre un idylle ou juste un bon moment et que j'ai évitées après les avoir regardé. Je me souviens avoir évité pas mal de sorties entre potes grâce à des prétextes bidons. Je me souviens avoir pris les petites rues du centre ville, parallèles à l'artère principale, afin de pas croiser de gens que je connaissais. Je me souviens ne pas m'être rendu à un Rendez-vous avec une fille que j'avais embrassée en soirée et m'être fait jeter ensuite...et je me souviens avoir vécu de véritables crises de paranoïa, en boîte où j'observais les gens parlant de moi en collant leurs bouches à l'oreille de leur interlocuteur...ou dans ma chambre d'étudiant, en collant mon oreille à la porte pour essayer de comprendre ce que les autres étudiants disaient de moi...
Mais jamais je n'ai révélé de telles choses car je savais très bien que je délirais totalement et j'avais assez de lucidité pour n'en laisser rien paraître...alors, je feignais, je souriais, et je buvais quand l'envie de mourir devenait trop pesante...

Je prends déjà un peu de recul et me demande pourquoi j'écris tout ça.....je crois simplement que c'est nécessaire si je veux donner une idée assez précise de ce que je suis aujourd'hui, au gens que je fréquente...ça fait partie d'une progression dont ce blog est , je l'espère, la dernière étape, car de tout cela il reste un type solitaire, distant, voire froid qui ne va que très difficilement vers les autres et reste égoïstement concentré sur ses petits objectifs de proximité et porte des oeillères afin d'éviter la contagion...

Qu'est-ce que la phobie sociale? ...le peur d'être jugé, jaugé, évalué, rejeté, critiqué, raillé.... la peur de voir le reflet de notre être diforme dans les yeux de l'autre....la peur de trouver chez l'autre, la confirmation de notre médiocrité, de notre bêtise, de notre inintérêt , de notre grand vide existentiel.....perception dysfonctionnelle: si je ne m'aime pas, je ne peux pas imaginer que d'autres puissent m'aimer, si je me déteste, je ne peux pas imaginer qu'il puisse en être autrement pour les autres. Donc: si je me déteste, les autres me détestent. Si je me touve con et sans intérêt, le reste de la planète me trouve con et sans intérêt.
Mettez-vous dans la peau d'un type qui est rejeté et raillé par le reste de la planète et vous aurez une idée assez précise de ce que vit un phobique social....mais il est le seul architecte de cet édifice mental. Le phobique social s'invente une planète d'où il est rejeté. Il en souffre réellement et se met à trembler face aux inconnus qui ne sont jamais perçus comme bienveillants...

La phobie sociale, c'est la sur-évaluation de ce que les autres attendent de nous, la sous-évaluation de ce que l'on peut ou de ce que l'on vaut, c'est l'interprétation des réactions ou paroles des autres en notre défaveur et c'est une auto-observation constante qui nous oblige à surveiller la moindre de nos paroles comme si elle avait une importance vitale...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La phobie sociale est une prison mentale...

Ce que tu dis est très juste, je me retrouve tellement dans ce que tu écris!

Z