lundi 19 février 2007

2.L'enfant-roi de no man's land.

Il faudra probablement que je fasse preuve d'une humilité contre nature pour rédiger ce qui va suivre, mais un homme qui revoit son orgueil à la baisse est un homme qui cherche à respecter ses voisins autant que lui-même et qui choisit de vivre en paix sans juger ni se sentir jugé...
L'ego est au centre de toutes les relations et son hypertrophie comme son atrophie en détermine la nature...

Alors voilà: j'ai grandi dans le monde ouvrier, comme une enfant-roi surprotégé à qui rien ne pouvait être refusé, sauf la reconnaissance paternelle et le modèle comportemental que ce père était censé constituer...
J'ai grandi comme si je ne devais rien à personne et comme si tout m'était dù...j'ai grandi dans une sphère d'illusions imperméable aux réalités sociales que je devrais rencontrer plus tard.
La vie était belle. L'enfance était joyeuse et insouciante, malgré cette petite tâche dans la conscience qui grandissait petit à petit, à chaque nouvelle tentative de suicide de mon père...car j'étais le roi d'un pays où Dieu était un alcoolique dépressif chronique...
Et la sanction était là...plutôt vague au début...plutôt mêlée à la compassion qu'un enfant éprouve pour son père à qui il reste attaché et qu'il admire profondément...mais Dieu disait, lentement, insidieusement, année après année et sans discontinuer:"-je suis ton père, ton géniteur, ton créateur...et tu ne me donnes même pas l'envie de vivre."

Et l'enfant-roi était déjà en train de s'effondrer, d'imploser, de se ronger de l'intérieur sans que personne ne s'en aperçoive...
Tout ce que j'ai entrepris, tout ce que j'ai commencé, créé, construit, Dieu l'a ignoré.
Tout ce que j'ai entrepris, je l'ai abandonné dès que le manque de soutien ou de reconnaissance paternel devenait évident et mon identié se constuisait déjà sur une succession d'échecs, et sur cette phrase qui revenait immanquablement à chaque nouvelle tentative:"-de toute façon, dans deux mois tu vas arrêter..." . Bien entendu, j'arrêtais...comment continuer quoi que ce soit quand l'être qui est au-dessus de tout vous dit que vous n'en êtes pas capable. Il avait raison.Je n'avais pas à discuter. J'étais un incapable...et l'absence de mes parents dans la salle, quand je participais à un concert avec la maladroite fanfare du village, me prouvait à quel point mon activité était inintéressante...mais à ce moment là j'étais déjà adolescent, mon visage bourgeonnait, mon regard se bovinisait, mes cheveux se graissaient et un duvet grotesque que je ne rasais pas, par peur de paraître trop attentif à mon image me poussait sur les joues.......l'enfant-roi allait commencer à apprendre qu'il n'était pas au centre de tout, que l'excessive attention de sa mère ne pourrait plus rien pour lui, qu'il n'était plus ce petit garçon timide,beau, attirant et malin que les adultes aimaient tant...l'adolescence me transformait en crétin disgrâcieux et je commençais tout doucement à ressentir le regard inamical des juges de cours de récréation.
L'enfant-roi du désert voyait son territoire se peupler de tortionnaires, de bourreaux, de sadiques et de railleurs, moqueurs, mesquins, critiques....j'étais à la tête d'un pays occupé uniquement par mes propres ennemis...toujours aussi orgueilleux, toujours aussi secrètement fier, je savais qu'un jour je leur prouverais ma valeur, mais je mettais en place un système de pensée qui consistait à prévoir le rejet, la critique, la méchanceté gratuite de mes semblables à mon égard...je devais me préserver et je ne pouvais le faire qu'en anticipant la violence orale des autres.....anisi, tout doucement, la timidité se transformait en phobie sociale....j'étais un incapable aux yeux de mon père, une merde sans intérêt dans la cour de récré et d'un orgueil bien trop grand pour moi-même...ne pas être à la hauteur de son propre orgueil est une source de souffrance terrible pour un homme...surtout quand le monde entier semble vous confirmer que vous ne l'êtes pas.Heureusement il y avait ma mère pour me protéger, me réconforter et m'isoler du reste du monde...il y avait ma mère pour m'aider à faire de moi un inadapté en comblant le manque affectif qu'engendrait sa vie conjugale....

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